Biographie

Pierre-Charles Dabouis en 1955

Pierre-Charles Dabouis est un artiste peintre français né le 23 novembre 1918 à Basse-Indre (Commune d’Indre, Loire-Atlantique), mort le 5 juin 1979 à Paris.

Il a passé une partie de son enfance à Basse-Indre, en aval de Nantes, où vivait sa famille. Son père, Pierre Dabouis, travaillait alors comme comptable aux Établissements J.J. Carnaud et Forges de Basse-Indre, spécialisés dans la production de fer blanc pour les emballages métalliques. Sa mère, bien qu’ayant obtenu le Brevet supérieur qui aurait pu lui permettre d’enseigner comme institutrice, était mère au foyer. Il fut initié à la mer par son grand-père maternel, Charles Hautebert, qui s’était retiré au Pouliguen (alors petit bourg de pêcheurs).

Ses parents déménagèrent en 1930 à Boulogne-Billancourt, où se trouvait l’usine de construction de machines-outils de la société Carnaud, et où son père finit sa carrière en tant que chef-comptable. Cette même année, il entra comme demi-pensionnaire boursier au Lycée Michelet à Vanves, où il eut comme professeur l’historien Jacques Madaule, et comme condisciples le futur écrivain Michel Massian et le futur acteur Francis Blanche. Ayant obtenu un bac scientifique en 1937, il entra en classe préparatoire au concours de l’Institut agronomique au lycée Henri IV, où il reçut l’enseignement du philosophe René Maublanc, et où il se trouvait encore à la déclaration de guerre.

Mobilisé en septembre 1939, il fut affecté au Dépôt d’Infanterie 212 (détachement des sursitaires) à la caserne Damesme, à Fontainebleau. Candidat aux Élèves aspirants d’infanterie à Vincennes, à partir du 2 janvier 1940, il fut dirigé le 8 mai suivant sur le Centre d’instruction des Élèves aspirants de réserve de La Courtine (Creuse). Il connut ensuite la débâcle de juin 1940 qui lui inspira quelques scènes de l’exode. Son unité se replia en Vendée, où il tint une position à un passage à niveau de Fontenay-le-Comte (et où il dut affronter des officiers paniqués par la rapidité de l’avance allemande).

Nommé sergent « breveté chef de section » en août 1940, il fut affecté successivement à Clermont-Ferrand (caserne d’Assas), à Lons-le-Saunier (casernes Bouffez puis Michel) et enfin à Lyon (fort Lamothe), au 153e Régiment d’infanterie alpine où il resta presque six mois. Il profita alors des cours de criminologie du professeur Locard et surtout se consacra à la peinture. A sa démobilisation, le 15 avril 1942, il repassa en zone occupée. Comme il avait déjà une très forte vocation artistique, il décida de s’y consacrer entièrement et refusa de reprendre ses études. Il dut alors travailler comme salarié dans plusieurs entreprises de Boulogne-Billancourt (au Matériel téléphonique de mai à septembre 1942, puis à l’Air Liquide de janvier 1943 au 7 avril 1944, date de son arrestation).

Engagé de façon informelle dans la Résistance, il était en contact avec un petit groupe d’intellectuels gaullistes, dont faisait partie Edmond Kaiser, responsable de Libération-Nord dans le 19e arrondissement de Paris et futur fondateur de « Terre des Hommes ». Il fabriqua pour ce réseau de résistance de fausses pièces d’identité.

De nombreuses usines de Boulogne-Billancourt travaillaient alors pour l’effort de guerre allemand, notamment les usines Renault. Quant à celle de l’Air Liquide, elle fournissait entre autres de l’air comprimé pour les sous-marins allemands, ce qui en faisait aussi un objectif stratégique pour l’aviation alliée. Celle-ci bombarda la ville à plusieurs reprises, causant des destructions importantes et de grosses pertes civiles (600 morts et 1500 blessés le 3 mars 1942, 357 morts et 517 blessés le 4 avril 1943). C’est après le bombardement d’avril 1943 que se situa un acte de résistance revendiqué par Pierre-Charles Dabouis. En effet, l’usine n’ayant pas été touchée, un ingénieur lui avait montré l’endroit le plus vulnérable d’un compresseur, où il suffisait de poser une charge de plastic pour le neutraliser.

L’information fut transmise à un groupe de résistance communiste, dont faisait partie son ami peintre Marcel Burtin (1902-1979) et qui se chargea de l’opération.

Pierre-Charles Dabouis fut dénoncé comme résistant et arrêté le 7 avril 1944. Interrogé par la Gestapo rue des Saussaies, il y fut torturé avant d’être transféré au camp de Compiègne, d’où il fut déporté le 18 juin 1944 au camp de concentration de Dachau (Bavière), où il arriva le 20. Inscrit sous le numéro matricule 72462, il se lia avec les résistants communistes du camp, mais aussi avec un détenu trotskyste, Gérard Bloch, avec lequel il conserva des liens plusieurs années après leur libération. Celle-ci intervint le 30 avril 1945 au camp secondaire (Kommando) d’Allach, près de Dachau, après une marche épuisante partie d’un autre camp secondaire, celui de Landsberg. C’est pendant cette période du 24 au 30 avril qu’il fit une série de dessins du camp de Kaufering où de nombreux détenus juifs étaient morts ou mourants.

Après une quarantaine passée au camp d’Allach où il se trouvait encore le 23 mai 1945, puis « à l’engrais », comme il disait, dans une villa ayant appartenu à un ancien dignitaire nazi au bord du lac de Constance, il fut rapatrié en France par la Suisse. C’est à ce moment-là, sur le quai de la gare de Constance, qu’il rencontra Andrée Staath (1918-2008), ancienne résistante membre du groupe Ceux de la Libération-Vengeance, alors assistante-sociale dans la Mission de rapatriement des déportés, qu’il épousa en 1946.

A la date du 1er juin 1945, Pierre-Charles Dabouis fut réintégré comme salarié de Air liquide, dont il démissionna à la fin de la même année pour travailler quelques mois au Ministère des Travaux publics, puis au Commissariat au tourisme de juin à octobre 1946. Il alterna ensuite des périodes de chômage et de travail, notamment dans les entreprises Néotron et Le Matériel électrique SW, où il occupait parfois des postes qualifiés, entre autres comme traducteur technique (il maîtrisait l’anglais et l’allemand, ayant fait des séjours linguistiques en Angleterre et en Allemagne avant la guerre). Cette alternance lui offrait périodiquement le temps nécessaire pour peindre, et cette période des années 50 a été une des plus productives pour lui, avec plusieurs tableaux réalisés chaque année. C’est aussi dans ces années-là qu’il se rendit à plusieurs reprises dans sa belle-famille en Corse, où il trouva l’inspiration pour de nombreuses œuvres.

En février 1956, il entra à la Banque de Neuflize, où il occupa le poste de chef du service documentation et resta jusqu’à son décès des suites d’un cancer en 1979. Grâce à ce salaire régulier, il put désormais sous-louer à son ami le peintre Georges Dayez un atelier délabré situé au Pré-Saint-Gervais, non loin de la Porte des Lilas et du petit appartement du 20e arrondissement où il s’était installé en 1952. C’est dans cet atelier qu’il réalisa ses plus grandes toiles, en particulier celle représentant le port de Honfleur, sur l’estuaire de la Seine.

Après avoir été influencé par Henri Matisse (Femmes en bleu), Pierre-Charles Dabouis, qui admirait aussi Fernand Léger et Édouard Pignon, se reconnaissait dans le groupe des « Cubistes et néo-cubistes ». D’ailleurs, communiste non-orthodoxe, il refusa après la Guerre le « réalisme socialiste » que Jdanov voulait imposer aux artistes, et qui était relayé en France par le peintre André Fougeron. Il s’en expliqua longuement dans un texte co-écrit avec Marcel Burtin qui fut lu à une réunion de l’Union des arts plastiques, une des organisations d’obédience communiste avec le Comité National des Ecrivains (CNE). Le réalisme socialiste prôné alors par les Soviétiques y était comparé à l’art officiel nazi dont le sculpteur Arno Breker avait été l’un des éminents représentants.

Pierre-Charles Dabouis adhéra une première fois au PCF en février 1956, au lendemain du rapport Khrouchtchev dénonçant les crimes de Staline, mais, allant au-delà des critiques faites par d’autres artistes ou intellectuels compagnons de route du PCF (Yves Montand, Simone Signoret, le peintre Édouard Pignon, l’écrivaine Hélène Parmelin), il en démissionna au lendemain de l’intervention soviétique à Budapest (novembre 1956). Il ne réadhéra à ce parti qu’en 1964, grâce à l’ouverture manifestée par le PCF dans le domaine littéraire et artistique, notamment à l’initiative du philosophe communiste Roger Garaudy.

Après la guerre, il exposa à différents salons parmi lesquels le Salon des Indépendants, de 1952 à 1966, et le Salon de Mai, entre 1955 et 1962. Il exposa aussi au Salon des Surindépendants (1945), au Salon d’Automne (1946), à la Galerie Guénégaud (1947), au Salon des Travaux Publics (1951), à la Galerie des Deux-Rives, à Cannes (de 1955 à 1958), à la Galerie Andersen (Malmö, Suède, 1959), au Salon national de l’Union des Arts Plastiques (Saint-Denis, 1963) et à la Galerie Matsuya (Tokyo, 1973).


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